Généralités sur les Bouches du Rhône

Avertissement

Les extraits de textes qui suivent, peuvent paraitre surprenants de nos jours ; pourtant, ces façons d'observer (et parfois même de ficher) les individus, étaient très répandues jusqu'à la fin du XIXème siècle.

Ils sont issus des observations de l'Ouvrage rédigé il y a 200 ans :

STATISTIQUE

DU

DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE

AVEC ATLAS.

DÉDIÉE AU ROI

PAR M. LE COMTE DE VILLENEUVE,

Maître des Requêtes, Préfet des Bouches du Rhône, membre de l'Académie Royale de Marseille, de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Agen, de la Société Royale des Anticaires de France, de la Société des Amis des Sciences, des Lettres, de l'Agriculture, des Arts, séant à Aix, Correspondant de l'Académie Royale de Turin.

Publié d'après le Voeu du Conseil Général

du Département

Tome Premier

MARSEILLE,

Chez Antoine RICARD, Imprimeur du Roi et de la Préfecture;

Rue de la Cannebière, n° 19

M. DCCC. XXI.

Coll. part. En 1909 on comptait 35

Coll. part. En 1909 on comptait 35 "races"

GÉNÉRALITÉS

" Il doit nécessairement y avoir des différences entre les habitans des montagnes et ceux des plaines.

Les premiers sont en général d’un tempérament sec et nerveux, tandis que les seconds ont de l’embonpoint et un tempérament sanguin et bilieux.

Mais, à part ces différences, qu’il suffit d’indiquer, les uns et les autres sont également soumis à l’influence du climat dont la variabilité est le caractère dominant dans toute l’étendue de la Basse- Provence.

Les premiers habitans de la Provence se sont mêlés, à différentes époques, avec les Grecs et les Romains, et avec une multitude de nations étrangères. Ces mélanges , que nous essayerons de préciser dans la partie historique , ne se sont pas faits partout dans les mêmes proportions, et ne peuvent avoir eu, par conséquent, les mêmes résultats. En n’examinant ici que ces résultats, c’est-à-dire, en nous en tenant à l’observation des caractères physiques , nous pensons qu’on peut facilement distinguer trois races ou variétés dans la population du département des Bouches-du-Rhône.

Ces trois races, auxquelles nous donnons des noms qui désignent leur berceau et leur emplacement, sont :

Source : Google : Statistiques des Bouches du Rhône T1 - Comte de Villeneuve - 1821

la Provençale, la Marseillaise et l'Arlésienne "

LA RACE PROVENÇALE

" C’est à cette race que conviennent plus spécialement les caractères généraux d’organisation que nous avons attribués aux habitans de la Basse-Provence. Nous croyons que le sang ligurien y domine et,  indépendamment des faits historiques que nous apporterons en preuve de cette assertion, on peut remarquer une grande analogie entre les Provençaux proprement dits et les Génois issus comme eux des Liguriens.

Les habitans de la vallée de l’Arc, du vallon de Vauvenargues et de toute la rive gauche de la Durance, depuis Saint-Paul jusqu'à la prise d’eau du canal de Craponne, sont ceux où la race provençale ou ligurienne est plus exempte de mélange.

Leur taille est au-dessous de la moyenne, leur teint très brun, le corps maigre, les jambes grêles souvent un peu arquées, les épaules carrées et les bras forts et nerveux.

Cette race occupe presque tout l’arrondissement d’Aix.

Du côté du Midi, elle ne dépasse pas la crête des montagnes de la chaîne de l’Etoile ; ses limites sont, au Sud-Ouest, une ligne tirée de Septèmes à létang de Dézeaumes ; à l’Ouest et au Nord-Ouest, le canal de Craponne jusqu’à son origine, et au Nord, la Durance.

Du côté de l’Est, elle s’étend dans l’intérieur du département du Var dont elle occupe la majeure partie.

Sur la ligne de limites du côté de l’Ouest, comme à Saint - Chamas, Miramas, Salon , etc., les habitans se rapprochent à quelques égards de la race artésienne , et vers le Sud- Ouest , comme à Berre, à Albertas, à Vitroles, etc., ils se sont mêlés avec la variété tricorienne de la race marseillaise dont nous parlerons bientôt ; mais le type ligurien y domine encore , et il est facile de remarquer une différence bien sensible entre les habitans qui sont en deçà ou en delà de la ligne de limites.

A Aix, quoique la population soit variée, comme dans toutes les villes, on observe aussi que la race provençale domine considérablement, et le mélange du sang romain y est bien moins sensible qu’à Arles. Cela tient à des causes qui trouveront leur explication dans la partie historique. " 

Source : Google : Statistiques des Bouches du Rhône T1 - Comte de Villeneuve - 1821

LA RACE MARSEILLAISE

" Cette race se distingue de la précédente par divers caractères dont nous ne citerons que les plus remarquables.

La tête est plus arrondie et le teint plus clair surtout chez les femmes. Les yeux sont noirs et bien fendus.

Les hommes ont la barbe noire, épaisse et très forte ; elle blanchit de bonne heure, ainsi que les cheveux qui tombent aussi dès l’âge de maturité. Cette perte hâtive des cheveux et celle des dents, qui est encore plus fréquente, peuvent au reste être attribuées à l’influence des vents de mer qui rendent les fluxions plus communes.

Les formes chez les Marseillais sont en général plus grosses que chez les Provençaux proprement dits.

Leur tempérament est aussi plus sanguin et plutôt lymphatique que bilieux ; ce qui les fait se complaire dans une sorte d’indolence qu’ils ne surmontent qu’avec effort, et que lorsqu’ils sont sollicités par des motifs d’intérêt. Leur activité est alors extrême, mais elle est de peu de durée, et ils sont en général peu capables d’un travail assidu et opiniâtre.

Il n’est pas rare de rencontrer parmi les hommes de peine des formes larges et des corps robustes, qui se développent et se fortifient par le transport des marchandises et par les travaux de tout genre qui sont si multipliés dans les grandes villes de commerce. Les portefaix de Marseille rappellent les athlètes de la Grèce, et c’est parmi eux que le Puget a retrouvé le type de Milon de Crotone. La race marseillaise occupe le littoral depuis La Ciotat jusqu'à Foz ; ses bornes, au Nord, sont la chaîne de l’Etoile et la ligne qui va de Septèmes à l’étang de Dézeaumes; et à l’Ouest, les étangs de Ligagnau et de Galéjon.

Mais, dans cette étendue, la race marseillaise présente plusieurs variétés qu’il est nécessaire d’examiner.

La race marseillaise pure, c’est-à-dire, celle qui est plus voisine du type grec ou phocéen, se trouve dans la vieille ville et dans les quartiers de Séon et de Mazargues.

C’est surtout dans les familles des pêcheurs que les formes grecques se sont le mieux conservées, parce que ces familles, qui ne s'allient qu’entre elles, sont, comme nous le verrons dans la suite, les plus anciennes de Marseille , et descendent probablement de la colonie phocéenne.

Ce qu’il y a de remarquable, c’est que dans ces familles il s’est manifesté les mêmes altérations que dans la race grecque proprement dite ; de telle sorte qu’il y a une grande ressemblance entre ces familles de pêcheurs et les Grecs modernes ; ressemblance qui est surtout frappante chez les femmes, et qui ne se borne pas seulement aux caractères physiques, mais qui se retrouve dans le langage, les coutumes et les inclinations, comme nous le ferons voir en traitant de l’état social. "

Source : Google : Statistiques des Bouches du Rhône T1 - Comte de Villeneuve - 1821

LE TERRADOU

" Les paysans du Terradou, ou du terroir de Marseille, en exceptant ceux des bords de la mer qui rentrent dans la classe précédente , appartiennent à une autre variété.

Leur taille est avantageuse, mais le buste est un peu court par rapport aux membres inférieurs qui sont trop longs et grêles. En remontant dans la vallée de l’Huveaune, et surtout dans la région montagneuse, les formes sont plus développées et dans des proportions plus régulières. Dans les montagnes de Saint-Cyr et de Roquefort, à Cuges et sur tous les penchans de la Sainte - Baume, à Allauch, à Belcodène, à Gréasque et dans les autres communes du pays montueux qui est sur la rive droite de l’Huveaune , on trouve une race d’hommes dont la taille est de cinq pieds huit pouces et quelquefois plus, dont le corps est bien proportionné et qui sont doués d’une force extraordinaire.

Les femmes participent aussi de ces qualités et ont quelque chose de viril. Aussi sont-elles propres aux travaux pénibles de la campagne, et la plupart ont de la répugnance à se fixer dans les villes. Cette race a des mœurs un peu sauvages et une certaine rudesse dans les manières ; nous croyons qu’elle descend des Albiciens dont parle César dans ses Commentaires , et nous prouverons, dans la partie historique, qu’on est tombé dans une grande erreur en plaçant aux environs de Riez ces peuples voisins et alliés de Marseille. Cette race albicienne s’est mêlée sans doute à la racfe marseillaise, et ce mélange est sensible principalement chez les habitans du Terradou.

Dans la région occidentale il paraît y avoir aussi une race particulière dont le berceau est dans le vallon du Rove et dans toute la chaîne littorale des montagnes de l’Estaque. Les hommes de cette contrée sont généralement petits et maigres, mais forts et nerveux. Ils se distinguent des autres Provençaux par la largeur de la face et par les traits un peu gros. Mais le type marseillais se reconnaît encore à la couleur des cheveux et des yeux qui sont ordinairement noirs, à la téte qui est arrondie, et aux yeux qui sont bien fendus. Nous donnons à cette variété le nom de Tricorienne, parce que nous avons lieu de croire qu elle descend des Tricorii de Pline, que nous plaçons sur la côte de l’Estaque. Ces Tricorii en se mêlant avec les Marseillais auront produit la race actuelle qui est dispersée dans les communes de Carry, de Château-Neuf, de Gignac, des Pennes, de Marignane et de Saint-Victoret." 

Source : Google : Statistiques des Bouches du Rhône T1 - Comte de Villeneuve - 1821

LA RACE ARLÉSIENNE

" Si les formes grecques se sont conservées à Marseille, on peut dire aussi que le sang romain anime encore le peuple de la ville d’Arles.

Ce rapprochement est de la plus exacte vérité.

Que de grands souvenirs il rappelle !

Arles, depuis Constantin, a été souvent la résidence des maîtres du Monde. Rome était devenue la proie des peuples barbares, et Arles lui avait survécu, et elle partageait avec Constantinople le rang de Ville Impériale. L’Empire Romain d'Occident, détruit par Odoacre en Italie , était encore respecté dans les Gaules par les Visigoths, et Arles en était regardée comme la capitale. Elle est aujour¬d’hui descendue de ce haut rang ; mais tout y témoigne de sa grandeur passée , et le peuple qui a survécu à tant d'infortunes, conserve encore dans ses traits les marques de son illustre origine.

La parenté des Arlésiens avec les Romains se reconnaît surtout chez les femmes. Elles ont une taille élevée, le corps droit, le port majestueux, le nez aquilin, les yeux à fleur de tête, le visage ovale et le front à la Romaine.

Les Arlésiennes ont porté pendant long-temps un vêtement singulier, que nous décrirons plus tard , et qui a été en usage dans les derniers temps de l’Empire Romain. Aujourd’hui encore elles ont un costume particulier qui les distingue des autres Provençales.

Le langage d’Arles est plus rapproché du latin que celui des autres contrées de la Provence. En un mot, tout rappelle la puissance romaine dans cette ville, où les voyageurs viennent en admirer les vestiges, quoique cette ancienne capitale des Gaules ne soit plus sur la grande route d’Italie. La race arlésienne pure subsiste dans la population d’Arles , en général , et plus particulièrement au faubourg de Trinque- taille sur la rive droite du Rhône.

Cette race est mélangée chez les habitans de la Camargue et de la Crau, parce que les fermiers des Mas sont pour la plupart étrangers. Dans les Alpines les femmes sont plus petites qu’à Arles, et les hommes, au contraire, y sont très-grands et très robustes, principalement aux Baux, à Orgon et à St-Remi. Cette race est visiblement un mélange des Gaulois Désuviates et des Romains."

Source : Google : Statistiques des Bouches du Rhône T1 - Comte de Villeneuve - 1821

Coll. part.

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Coll. part.

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SECRET D'HISTOIRE

La Langue Provençale au XVIIIème siècle

A Malte, sont les différentes nations dont l’Ordre est composé.

Il y en a huit, savoir : Provence, Auvergne, France, Italie, Arragon, Allemagne , Castille, et Angleterre.

La langue de Provence est la première, parce que Gérard (*), Fondateur de l’Ordre était Provençal.

La dernière ne subsiste plus, depuis que l’Angleterre s’est soustraite de l’obéissance du Pape.

Ces huit Langues ont leurs Chefs à Malte que l’on nomme Piliers & Baillis conventuels. Dans chaque langue il y a plusieurs Grands Prieurs. Il y a encore dans chaque langue des Baillis Capitulaires, ainsi nommés, parce que dans les Chapitres Provinciaux ils ont scéance après les Grands Prieurs. Les preuves de Noblesse doivent être examinées dans l’assemblée de la langue dont est le Grand Prieur, auquel s’est presenté celui qui veut être reçu Chevalier, et si elles ont approuvées il est reçu. Il.est obligé de payer le droit de langue qui est taxé selon l’etat et le rang où le présenté est reçu. Le Grand-Maître est élu par les 8.

Source : Dictionnaire Universel - Antoine Furetière - 1727

(*) Les Statuts de l'institution nouvelle, dont le fondateur avait été Pierre-Gérard Tune, originaire des Martigues en Provence, furent approuvés par les papes Pascal II en 1113 et Calixte 11 en 1120, sous L'administration de Gérard Tune et de Raimond du Puy, son successeur.

Ordre des Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem, de Rhodes, et de Malte.